Le syndrome Rapa-Nui

Les Moaïs

Jusqu’au début du 18éme siècle, Le peuple Rapa Nui prospérait sur l’Île de Pâques. Le 5 avril 1722au moment de sa découverte par le navigateur néerlandais Jakob Roggeveen, on estime  que le peuple Rapa Nui comptait  jusqu’à 4000 âmes. 155 ans Moaisplus tard, soit en 1877 on ne dénombrait plus que 111 habitants. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cet effondrement. Une des thèses les plus sérieuses est exposée par Jared DIAMOND dans son livre « effondrements« . Basée sur des recherches sérieuses, notamment des fouilles archéologiques, la théorie de Jared DIAMOND explique l’effondrement de la population par une dégradation de l’écosystème. Les différents clans RAPA NUI auraient en effet rivalisé dans la construction des statues géantes, les Moais, ce faisant ils auraient épuisé les ressources forestières de l’île. Une fois la forêt disparue, les sols se sont érodés et la population  a rapidement manqué de nourriture.

Un parallèle inquiétant

Sur bien des points notre comportement  au sein de la société mondialisée est comparable à celui des RAPA NUI, si ce n’est que nos dieux à  nous se nomment  finance et économie Comme les clans Rapa Nui, pour plaire à nos dieux, nous nous sommes engagés dans une compétition effrénée, et  au nom de la compétitivité, nous nous autorisons, ici et là, quelques accrocs aux règles de respect de l’environnement. Chaque transgression de la règle, considérée de façon isolée, ne représente pas un danger majeur. Le danger réside dans l‘accumulation des transgressions. Et dans ce domaine la liste est longue, que ce soit en matière de pollution, d’épuisement des ressources naturelles ou d’atteintes à la biodiversité.

La principale différence avec les habitants de l’île de Pâques, c’est qu’eux courraient à leur perte par ignorance et inconscience, deux excuses que nous ne pouvons invoquer.

Eux pouvaient également avoir la perspective de migrer vers des terres plus hospitalières lorsqu’ils auraient épuisé les ressources de leur île. Nous nous n’aurons pas de planète de rechange, car c’est bien au niveau planétaire que nos préjudices environnementaux se mesurent aujourd’hui.

un pari audacieux

Les optimistes, alléguerons que l’homme est plein de ressources et qu’avant qu’il ne soit trop tard il saura prendre les mesures qui s’imposent. Il est indéniable que les connaissances du 21éme siècle sont autres que celles des Rapa Nui du 17ème siècle. Et c’est vrai que des exemples récents accréditent la théorie d’une suprématie de l’intelligence humaine sur les lois de la nature.

Anticipant une raréfaction du pétrole, les Américains n’ont-ils pas su se doter d’une nouvelle ressource énergétique avec le gaz de schiste? De même, pour s’affranchir du risque d’accident nucléaire, les Allemands n’ont-ils pas été prompts à mettre à l’arrêt leurs centrales atomiques et à relancer les centrales au charbon ?

Mais dans ces deux cas,  on voit bien que le remède n’est qu’un pis aller, et il peut même parfois se révéler pire que le mal. Dans leur recherche de solution, Américains et Allemands, n’ont guère envisagé de réduire leur consommation énergétique, car cela les  aurait trop handicapés dans la compétition économique.

De même que les clans Rapa Nui, voyant s’épuiser leurs ressources forestières, n’en ont pas moins continuer à ériger des statues de plus en plus colossales pour honorer leurs dieux, tous les pays en compétition aujourd’hui cherchent à faire croître leur économie reléguant au second plan les impacts que cela aura sur l’environnement.

Le bon sens et la prudence voudraient pourtant que dans un monde dont on connait aujourd’hui les contours et les ressources limitées, on cesse d’inciter les neuf milliards d’être humains que nous serons demain à consommer plus que de raison au nom d’une idéologie dépassée dont on n’ose s’affranchir.

2 réflexions au sujet de « Le syndrome Rapa-Nui »

  1. Bonjour Serge,
    Excellente présentation qui s’inspire de manière pertinente et démonstrative d’un fait historique.
    je partage évidemment cet inquiétant constat.
    Selon moi, il montre la nécessité de plusieurs réconciliations : l’homme avec lui-même, les hommes entre eux, et l’homme avec la nature. (et peut-être en plus l’homme avec le Principe créateur). pour ma part, je pense que la priorité est celle de l’homme avec lui-même, pour qu’il soit prêt aux suivantes.
    Longue vie à vous et à votre site.

  2. Merci Christian,
    Certes l’homme doit se réconcilier avec les vrais valeurs. Mais pour cela je pense qu’il est nécessaire que des leaders lui montrent le bon chemin. Il ne faut pas se leurrer sur les capacités de libre arbitre de nos contemporains. L’Homme est certes capable de faire des choix, de se bâtir une conscience, mais la grande majorité d’entre nous se repose sur les choix préétablis que nous servent nos leaders. Et aujourd’hui les orientations offertes servent plus les intérêts à court terme des acteurs économiques que les intérêts supérieurs de l’humanité.

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